André Cavaillon, témoin de l’indépendance de l’Uruguay

Par Léa Cestac-Zirnheld (Archives diplomatiques) - 18 juillet 2025

André Cavaillon et l’officialisation de son rôle consulaire

André Cavaillon a joué un rôle central dans l’établissement des relations entre la France et l’Uruguay. Il a été un témoin unique et stratégique lors de l’indépendance de ce dernier. Pourtant, André Mathieu Cavaillon est né bien loin de Montevideo, le 21 septembre 1773 à Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône). Son père est capitaine de barque. C’est a priori seul qu’André Cavaillon part de France autour de 1800. Négociant installé à Montevideo, il assiste officieusement les commerçants français et les vaisseaux du Roi dès 1819.


Au vu de cet engagement et de ses connaissances pratiques du terrain, André Cavaillon est nommé vice-consul honoraire de France à Montevideo à 52 ans. C’est une lettre du ministre des Affaires étrangères, le baron Maxence de Damas, datée du 18 mars 1825, qui annonce à André Cavaillon sa nomination. Le Roi n’a alors ni consulat, ni légation dans cette province, et André Cavaillon est placé sous la responsabilité du comte Aymard de Gestas, consul général à Rio de Janeiro. En effet, cette ancienne colonie espagnole de la « Bande orientale » a été annexée par le Brésil sous le nom de « Province cisplatine » à l’issue du congrès de Montevideo (juillet 1821).


André Cavaillon est donc le premier agent français en poste à Montevideo, malgré des lacunes que lui-même reconnaît. Il le signale ainsi au ministre des Affaires étrangères lorsqu’il apprend sa nomination : « absent de France depuis 25 ans, je ne suis point familiarisé avec les lois qui la régissent ». André Cavaillon donne alors la preuve de l’investissement qu’il met dans sa mission, demandant à se faire expédier par le comte de Gestas, les lois, ordonnances et décrets nécessaires aux fonctionnaires.

Récit de la guerre d’indépendance


Lorsqu’il devient vice-consul, cela fait déjà plusieurs années qu’André Cavaillon est notablement connu à Montevideo. Il s'y marie le 30 septembre 1827 avec Josefa Areta Landuaceres. À partir de 1825, on retrouve aux Archives diplomatiques les correspondances officielles qu’il adresse au Ministère. Elles sont une véritable mine d’or sur l’indépendance de l’Uruguay. Cavaillon étant sur place, il rapporte à sa tutelle des informations précieuses qui lui parviennent sur l’avancée des troupes, les événements politiques, l’atmosphère ou encore les rumeurs. L’indépendance de l’Uruguay est au cœur de l’affrontement entre ses deux immenses voisins, brésilien et argentin. Ancienne colonie espagnole comme l’Argentine, l’Uruguay a ensuite été annexé par le Brésil. L’Argentine espère que le petit État rejoigne les Provinces-Unies du Rio de la Plata une fois sortie de l’influence brésilienne. À la croisée de ces enjeux géopolitiques, Cavaillon et ses comptes rendus sont les yeux et les oreilles du Ministère.

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  • Portrait (peinture)

    Josefa Areta Landuaceres de Cavaillon (1797-1881)

    Museo historico nacional (Montevideo)

Acteur de la relation avec le nouvel État uruguayen


Pour le jeune État uruguayen, une fois la lutte armée pour l’indépendance achevée commence un nouveau combat : celui de la reconnaissance de cette indépendance par les autres États. Du côté de la France, André Cavaillon joue une fois encore un rôle clé. Le 30 décembre 1828, il prend l’initiative de féliciter le nouveau gouvernement uruguayen de son installation et lui signifie son désir de « continuer l’exercice de ses fonctions de la même manière qu’il l’a fait à l’époque du gouvernement de Sa Majesté l’Empereur du Brésil ». Cette reconnaissance de la légitimité du nouveau pouvoir en place, et donc de l’indépendance de cette République, résulte d’une démarche spontanée et individuelle.


André Cavaillon s’en explique auprès du Ministère dans une lettre du 30 janvier 1829 : « quoique l’exercice de mes fonctions de vice-consul eussent cessé, de fait, le jour de l’installation du nouveau gouvernement puisque je n’étais accrédité qu’auprès de celui du Brésil, j’ai cru remplir un devoir de convenance qui mériterait l’approbation de Votre Excellence en faisant présenter à monsieur le gouverneur par l’intermédiaire du ministre des Affaires étrangères mes félicitations sur son avènement au pouvoir suprême de l’État ».


L’initiative de Cavaillon est approuvée a posteriori par le Ministère le 18 mars 1829. La reconnaissance de la République orientale de l’Uruguay est donc entérinée, les relations avec la France peuvent se nouer. Les premiers représentants diplomatiques sont envoyés en 1839 par l’Uruguay et en 1846 par la France. Mais André Cavaillon n’est déjà plus là. Il est remplacé par le consul Raymond Baradère qui arrive à Montevideo le 11 mai 1832. Cavaillon, bien que peiné de ne pas avoir été ni prévenu ni remercié par le Ministère, accompagne Baradère dans sa prise de fonction.


Il vit cette absence de reconnaissance comme une injustice, même si le 1er octobre 1832 la Légion d’honneur lui est décernée. L’attribution de cette décoration est appuyée par le consul général à Buenos Aires, qui défend auprès du Ministère le sérieux, la bonne volonté et les résultats ayant caractérisé la mission d’André Cavaillon à Montevideo. L’ancien agent consulaire décède peu de temps après à Montevideo, le 27 septembre 1835 des suites d’une probable tuberculose, à l’âge de 62 ans. Il reste une figure peu connue, homme de terrain, témoin mais aussi acteur de l'avènement de l’État uruguayen et des relations engagées par celui-ci avec la France.