Une salle pour les livres dans l’hôtel des Affaires étrangères à Versailles
Le 3 mai 1761, Louis XV appose son « Bon » [1] au bas d’un mémoire qu’Étienne-François de Choiseul (1719-1785), duc de Choiseul-Stainville (également secrétaire d’État à la Guerre depuis le 27 janvier 1761) lui a adressé afin d’obtenir la concession, à Versailles, d’un terrain contigu à celui de l’hôtel de la Guerre. Il souhaite construire un hôtel destiné à abriter les bureaux et les archives de son Ministère et de celui de la Marine. Commencés le 1er juin 1761, les travaux s’achèvent à la fin de l’année 1762. Il revient à César-Gabriel de Choiseul-Chevigny (1712-1785), duc de Praslin, secrétaire d'État aux Affaires étrangères (1761-1766) d’installer ses services dans l’hôtel voulu par son prédécesseur et cousin.
La construction est confiée à l’ingénieur-géographe Jean-Baptiste Berthier qui s’est déjà acquitté de celle de l’hôtel de la Guerre. Ces bâtiments sont remarquables par la qualité de leur construction et les progrès techniques qu’ils mettent en œuvre. Berthier adopte le principe d’une architecture à voûtes plates en brique pour les mettre à l’abri des risques d’incendie.
Salle des mémoires et des livres imprimés dans la galerie des Archives du secrétariat d’État aux Affaires étrangères (lithographie par Urrabietta). In : XVIIIe siècle : lettres, sciences et arts : France, 1700-1789 / Paul Lacroix. Paris : Firmin-Didot, 1878. France, Archives du ministère des Affaires étrangères, Bibliothèque, 67 D 7
Un échange de lettres (11-21 mai 1763) entre le comte de Saint-Florentin et le marquis de Marigny [2] atteste que le transfert des collections est achevé en mai puisqu’il est alors question des réparations devant être entreprises dans les pièces libérées. Le « Dépôt des Minutes des Affaires étrangères » devient le « Dépôt général des Affaires étrangères ». L’étage du « haut rez-de-chaussée » lui est réservé. Cet étage est conçu et décoré comme une galerie d’apparat, composée d’une enfilade de sept salles aux boiseries blanches et or, pour donner une image brillante de la diplomatie française aux visiteurs du lieu. Horace Walpole (homme politique et écrivain britannique) le visite en 1765. Il mentionne dans une lettre datée du 6 octobre 1765 que « dans chaque salon, un vaste tuyau en forme de colonne, en bronze et or moulu, sert à aérer les papiers et à les maintenir en bon état » [3]. Ce commentaire élogieux est modéré par d’autres propos tenus ultérieurement. Un mémoire sur l’état du Dépôt daté du 28 octobre 1772 mentionne que les salles, au nombre de cinq, « n’ont point de portes, et il n’y a qu’une seule cheminée dans laquelle on n’entretient pas de feu. Cependant c’est dans ces salles mêmes qu’il faut placer, arranger et disposer les papiers et faire les recherches et le travail l’hiver comme l’été ». Cela retarde le travail et l’auteur du mémoire regrette « l’impossibilité où l’on est de s’en occuper pendant l’hiver » [4]. Au cours des années 1780, un bras de fer oppose Jean-Baptiste Berthier et Claude-Gérard Sémonin (directeur du dépôt des Archives). Le premier est convaincu de l’efficacité des moyens mis en œuvre pour lutter contre les risques d’incendie alors que le second ne cesse de faire part de ses préoccupations à ce sujet et préconise un transfert du Dépôt [5].
Institut de France, Manuscrits de la Bibliothèque Thiers, Fonds Masson, Ms Masson 520, Plan du dépôt des Affaires étrangères à Versailles
La dernière salle est réservée aux mémoires et livres imprimés. On peut y trouver un dessus de porte représentant une vue de la ville de Varsovie (peinte par Louis-Nicolas Van Blarenberghe, signée et datée de 1770), deux globes (l’un céleste et l’autre terrestre) montés sur leurs pieds dorés, six parties d’armoires et deux dessus de portes fermantes à dix battants grillagés en laiton et garnis de taffetas cramoisis.
En 1790, les bureaux des Affaires étrangères s’installent de nouveau à Paris. Resté à Versailles, le Dépôt doit attendre le mois de décembre 1795 pour déménager à son tour, en application d’une décision du Comité de salut public en date du 17 floréal an II (6 mai 1794). L’ordre de transfert [6] est signé par Delacroix le 23 frimaire an IV (14 décembre 1795). Il se déroule jusqu’au mois de mars 1796 sans encombre [7] vers l’hôtel de Gallifet (situé au numéro 73 de la rue de Grenelle).
L’ancien hôtel des Affaires étrangères et de la Marine abrite aujourd'hui la bibliothèque centrale de Versailles.
Notes
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1Revenir à l’article
Archives nationales, Maison du roi, O/1, 1072, n° 172
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2Revenir à l’article
Archives nationales, Maison du roi, O/1, 1542 et 1671A
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3Revenir à l’article
Lettres de Walpole écrites à ses amis pendant ses voyages en France 1739-1775. Paris : Didier, 1872
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4Revenir à l’article
France, Archives du ministère des Affaires étrangères, Archives des Archives diplomatiques, 404INVA/1, fol. 199 v° et 200 r°
France, Archives du ministère des Affaires étrangères, Personnel, 1re série reliée, 266QO/11, fol. 406 v°
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5Revenir à l’article
France, Archives du ministère des Affaires étrangères, Comptabilité, immeubles, 750SUP/397, fol. 30-32, 78-80, 97-101
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6Revenir à l’article
France, Archives du ministère des Affaires étrangères, Archives des Archives diplomatiques, 404INVA/1, fol. 297 r°
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7Revenir à l’article
France, Archives du ministère des Affaires étrangères, Archives des Archives diplomatiques, 404INVA/2, fol. 89 r°