L’Académie politique : une école pour les négociateurs

Une initiative connue par voie de presse

En 1710, Jean-Baptiste Colbert de Torcy (1665-1746) installe au Vieux-Louvre le « Dépôt des Minutes des Affaires étrangères ». Deux années plus tard, il lui associe une école diplomatique, l’Académie politique, chargée de former des jeunes gens « à l’étude des négociations étrangères et du droit des gens ». Cette école est dirigée par Jean Yves, seigneur de Saint-Prest, premier garde du Dépôt.


À la date du 19 février 1712, la Gazette d’Amsterdam diffuse une nouvelle annonçant sa création.


Nouvelles de Paris du 12 février : « On confirme que le Roi a résolu d’établir une nouvelle Académie pour les affaires politiques, dont le Marquis de Torci, Ministre & Secrétaire d’Etat, sera le Protecteur. On choisira 6 Académiciens doüez des Talens nécessaires pour commencer à former cette Académie, où l’on ne recevra personne au dessous de l’âge de 25 ans [1]. Le Roi accordera à chacun une Pension de Mille livres. Ils auront des Maîtres habiles pour leur apprendre les Sciences nécessaires, & les instruire de tous les Traitez de Paix, d’Alliance & autres qui ont été faits depuis plusieurs Siecles. Ces Membres s’assembleront au Louvre 3 fois la semaine. C’est de ce Seminaire qu’on tirera les Secretaires d’Ambassade, qui par degrez pourront monter à de plus hauts Emploi ».

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  • Gazette d'Amsterdam du 19 février 1712 (imprimé)

    Nouvelles de Paris du 12 février annonçant la création de l'Académie politique
    Gazette d'Amsterdam du 19 février 1712

Un enseignement exigeant, une école d'application

Il subsiste peu de traces du fonctionnement de l’Académie politique. Toutefois, ses statuts (mars 1712), rédigés par l’abbé Eusèbe Renaudot (membre de l’Académie française, savant orientaliste, conseiller de Torcy, propriétaire de La Gazette fondée par son grand-père, Théophraste Renaudot) et inspirés également par Torcy, l’abbé Legrand et Saint-Prest, ont été conservés [2]. Ils définissent ses principes pédagogiques et présentent les exercices destinés aux élèves. L’objectif est d’initier au métier, donner des connaissances précises, entraîner à parler et former l’esprit et le style.


« La principale étude des élèves doit estre celle de droit public, des droits du Roy, des traittez, du cérémonial,... » [3]. Ils suivent également un apprentissage pour maîtriser les langues étrangères. Les mémoires, études, statuts et rapports rédigés entre 1711 et 1718 renseignent sur les ouvrages que les aspirants secrétaires doivent avoir lus. Ils étudient avec application le traité de Hugo Grotius dont leur directeur préconise la lecture « en latin et en françois ». Ils travaillent sur les livres de Juste Lipse et sur Le Prince de Nicolas Machiavel. Ils font des extraits des ouvrages de Samuel Puffendorf (Du droit de la nature et des gens), Abraham de Wicquefort (L’Ambassadeur et ses fonctions) ou Pierre Dupuy (Traitez touchant les droits du roy très-chrestien sur plusieurs estats et seigneuries possédées par divers princes voisins).

Des imprimés achetés ou prêtés


Un choix de livres est vraisemblablement rassemblé pour leur enseignement. L’état général des ordonnances expédiées pendant l’année 1715 [4] fait apparaître à la date du 23 août une dépense de 1509 livres pour des exemplaires de « traittez et autres ouvrages » de l’Imprimerie fournis par ordre et pour le service du roi. Toutefois, le nombre de ces acquisitions doit demeurer modeste car le Dépôt du Louvre peut profiter de sa proximité avec la Bibliothèque du roi. Il entretient avec elle des relations suivies comme le prouve une lettre, écrite à Paris le 15 octobre 1717, dans laquelle M. de Saint-Prest sollicite des prêts d’ouvrages pour l’étude de questions touchant à Florence et Parme [5].

Dix années d'existence


Cette expérience pédagogique tourne court et l’école cesse ses activités au terme du 1er semestre de l’année 1722, comme l’attestent les derniers appointements reçus par les élèves [6].


Le souvenir de l’Académie politique semble bien éteint au milieu du XVIIIe siècle quand les commis dressent les tables de la Gazette d’Amsterdam. En effet, ils ne relèvent pas l’article paru en 1712 concernant pourtant une expérience pédagogique remarquable touchant leur Ministère.

Notes