Un témoignage sur l’Occupation : le journal de Georges Girard

Georges Girard naît à Paris le 3 mai 1891. Chartiste, docteur ès lettres, il fait carrière au ministère des Affaires étrangères, comme bibliothécaire adjoint puis conservateur adjoint au chef du service des Archives, et enfin adjoint au directeur du service en 1940.


Parallèlement à son travail purement diplomatique, cet écrivain prolifique, historien, publiciste et homme de théâtre publie de nombreux ouvrages qui lui permettent d’acquérir une « situation hors pair dans le monde littéraire et historique ». Il reçoit en 1922 le prix Edmond Fréville de l’Académie des sciences morales et politiques pour sa thèse Le Service militaire en France à la fin du règne de Louis XIV. Racolage et milice (1701-1715) et, en 1925, le prix de La Renaissance pour Les Vainqueurs, récit de sa vie dans les tranchées. Il assure les chroniques historique et théâtrale de L’Opinion de 1925 à 1933, puis du Figaro littéraire, et collabore aux Cahiers de la République des lettres et aux Nouvelles littéraires. Il est promu officier de la Légion d’honneur en 1935.

Le Matin (article paru le 15 juin 1943)

De nos jours, c’est davantage sa fin tragique que son œuvre littéraire qui perpétue sa notoriété auprès du public. Georges Girard est mort assassiné le 26 octobre 1941, ainsi que sa sœur et une domestique, dans son château d’Escoire, en Dordogne. Son fils, seul survivant, présent sur les lieux, est accusé et incarcéré, puis acquitté un an et demi plus tard au terme d’un procès retentissant. Les circonstances mystérieuses du décès de Georges Girard et la personnalité de son fils – qui deviendra un romancier extrêmement populaire sous le pseudonyme de Georges Arnaud, auteur du Salaire de la peur, adapté en 1953 au cinéma par Henri-Georges Clouzot – retiennent l’attention des chroniqueurs judiciaires, des gazetiers, et aujourd’hui des romanciers qui prennent prétexte de ce drame affreux pour faire le portrait d’une partie reculée de la province sous l’Occupation. Récemment, après l’ancien commissaire de police Guy Penaud en 2002, l’écrivain Philippe Jaenada a livré sa propre version du triple crime d’Escoire dans son roman La Serpe, acclamé par la critique et récompensé du prix Femina en 2017.


Entre le 13 juin 1940 et le 23 octobre 1941, Georges Girard a tenu un journal dans lequel il a fait la chronique des événements de l’Occupation. Par sa position aux Affaires étrangères et sa place dans la vie intellectuelle, il y porte un regard avisé sur les péripéties du régime de Vichy. Une partie de ce document a été utilisée lors du procès par les autorités judiciaires, puis remise à la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères. L’autre partie a été donnée en 2018 par Mme Laurence Girard, petite-fille de Georges Girard, avec un certain nombre de pièces qu’elle détenait de Françoise Flipo, avocat général honoraire à la Cour de cassation, fille de Vincent Flipo, chartiste, contemporain de son grand-père.

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  • Feuille d'évaluation (page 1, recto)

    Dernière évaluation professionnelle de Georges Girard en 1939

    MAE, Personnel 3e série, 395QO/394

Par ce geste est enfin réuni pour la première fois depuis 1941 le journal de Georges Girard. Le don de Mme Girard vient compléter un fort bel ensemble de papiers déjà détenu par les Archives diplomatiques, parmi lesquels le manuscrit de plusieurs livres, dont Madame de Maintenon. Celle qui n’a jamais aimé, et une exceptionnelle lettre de Roland Dorgelès relative à l’édition française de Mein Kampf d’Adolf Hitler : datée du 16 février 1934, elle témoigne de l’amicale complicité entre les deux écrivains combattants et de leur volonté commune de s’opposer au nazisme.