Casimir Pignatelli, comte d’Egmont (1727-1801)

Une vie de camps

Le 15 septembre 1707, le comte Procope d'Egmont meurt en Aragon (Espagne). Ses possessions passent dans la famille Pignatelli (sa soeur, Marie Claire, ayant épousé l'un des membres de cette famille napolitaine). Pour éviter la disparition du prestigieux nom des Egmont, les membres de la famille optent alors pour le nom Pignatelli d'Egmont.


Fils de Procope Marie Antoine, duc de Bisaccia [1], et d’Henriette Julie de Durfort de Duras, Casimir de Pignatelli, comte d’Egmont, naît à Paris le 6 novembre 1727. Il commence sa carrière en 1742 dans les mousquetaires avant de devenir, en 1744, mestre-de-camp de cavalerie du régiment d’Egmont. Brigadier en 1748, il est l’aide de camp du maréchal de Richelieu à Minorque en 1756 et reçoit la croix de Saint-Louis. Il est fait maréchal de camp la même année puis lieutenant-général en 1762. Il lui est confié, en 1781, le gouvernement de l’Anjou et du Saumurois. À la veille de la Révolution, il est chef de division en Champagne.


Le 18 mars 1789, il est élu député de la noblesse du bailliage du Soissonnais aux États généraux. Il rejoint ensuite l’Assemblée nationale [2]. S’il figure parmi les partisans de l’Ancien Régime, il consent, lors de la nuit du 4 août, à l’égale répartition des impôts. En 1790, il proteste contre l’abolition de la noblesse. Il émigre au commencement de l’année 1792 [3], et, malade, accepte un commandement en second dans l’armée des Princes où on lui confie les corps d’émigrés du pays de Liège, Brabant, Hainaut et Flandre autrichienne. En cette qualité, il fait la campagne de 1792 dans les rangs de l’armée de Bourbon. Il s’installe à Brunswick où il meurt le 1er déc. 1801. Il lègue ses biens à ses petits-enfants, le duc de Luynes et la duchesse de Montmorency.


Il épouse en premières noces, en 1750, Blanche Alphonsine de Saint-Séverin d’Aragon, puis, le 10 février 1756, Sophie Louise Armande Septimanie de Vignerot du Plessis de Richelieu et enfin, le 31 mai 1788, Claire Marie Farely. Septimanie de Richelieu (1740-1773) est la fille de Louis François Armand du Plessis, duc de Richelieu (1696-1788) et de Marie Elisabeth Sophie de Lorraine-Guise (1710-1740). Intellectuelle, elle fréquente les philosophes et les écrivains (Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, Marmontel, Montesquieu). En 1763, Alexandre Roslin (1718-1793), peintre suédois établi à Paris, fait son portrait [4].


L’hôtel d’Egmont est situé, à Paris, rue Louis-le-Grand. On y trouve une bibliothèque précieuse qui est confisquée pendant la Révolution et déposée au dépôt littéraire de la rue Marc. Le 25 août 1795, il devient propriété nationale et il est attribué au Dépôt des cartes et plans de la Marine.

1
/
2
  • Casimir Pignatelli, comte d'Egmont par Carmontelle (mine de plomb et sanguine)

    Casimir Pignatelli, comte d'Egmont

    par Louis Carrogis dit Carmontelle (1717-1806)

    Mine de plomb et sanguine (1758). Musée Condé (Chantilly)

Bibliophile organisé

La bibliothèque du ministère des Affaires étrangères détient les quatre volumes in-folio de la table alphabétique des auteurs et matières de son catalogue et quarante-et-un titres.


Le bibliothécaire ayant rédigé cette table précise sa méthode dans un long avertissement. Qui est-il ? Plusieurs indices peuvent nous aider dans la recherche de son identité :

  • Il nous apprend que le plan observé est semblable à celui qu’il imagina en 1764 lorsqu’il fit le catalogue des livres de la bibliothèque du maréchal de Richelieu.
  • Nous avons dans le catalogue des ouvrages du comte d’Egmont, des livres publiés en 1789 [5].

Deux ouvrages renseignent sur les bibliothécaires du duc de Richelieu :

  • Le premier [6] indique que M. Ploques est, au moment de la composition de cet ouvrage réalisée du vivant du maréchal, son bibliothécaire depuis vingt-cinq ans.
  • Le second [7] rapporte les derniers instants de M. Boquemare, aux alentours de l’année 1774. Il était alors le bibliothécaire du duc depuis plus de soixante ans.

Si M. Boquemare ne peut avoir rédigé notre catalogue, M. Ploques peut en être l’auteur à la condition d’être passé au service du comte d’Egmont à la mort du duc de Richelieu.


Les armoiries du comte d’Egmont, sous la forme d’un ex-libris, figurent au contreplat de ses livres. Ecartelé, aux 1 et 4, chevronné d’or et de gueules de 10 pièces (Egmont) ; au 2, d’or, à 3 pots ou pignattes de sable, 2 et 1 (Pignatelli) ; au 3, d’argent, à 2 fasces bretessées et contre-bretessées de gueules (Argrel en Flandre). Sur le tout, de Gueldres et de Juliers. Il porte les insignes de tous ses titres : manteau de pair, collier de la Toison d’Or et couronne de comte du Saint-Empire. Une étiquette typographique est collée sous l’ex-libris. Il y est inscrit la localisation, à l’armoire et à la tablette, de l’ouvrage dans la bibliothèque. Il existe deux vignettes distinctes qui ne diffèrent que par la présence, ou non, du collier de la Toison d’or [8].


Les Archives de la société des collectionneurs d’ex-libris (vol. 11-12, 1905, page 142) rapportent que cet ex-libris n’aurait pourtant pas été destiné à en être un ! En effet, Albert François Floridor Streck dédia une thèse [9] au comte d’Egmont et la surmonta d'un blason aux armes de ce seigneur. Le comte d’Egmont aurait utilisé la planche en cuivre de cette vignette de dédicace pour en faire tirer sur papier plus fort la marque de sa bibliothèque. Cette vignette ne portait pas de caractères d'imprimerie au verso. En conséquence, si on la séparait du texte de la dédicace, on pouvait d'autant plus facilement la faire passer pour un ex-libris. Il pourrait donc s’agir d’un ex-libris par destination et non par nature. Cela semble être contredit par le fait que cette thèse a été éditée en 1770. Or, à cette date, nous allons prouver que le comte d’Egmont avait déjà opéré un changement de vignette pour identifier les livres lui appartenant.

1
/
3
  • Page de titre du catalogue

    Page de titre du catalogue manuscrit en quatre volumes in-folio

Ses livres aux Archives diplomatiques

Les Archives diplomatiques détiennent quarante-et-un ouvrages avec une marque de provenance de la bibliothèque du comte d'Egmont : vingt sans la Toison d'or et vingt-et-un avec la Toison d'or. Un seul titre portant son ex-libris gravé sans le collier de la Toison d'or est publié après 1767, date à laquelle Pignatelli est fait chevalier de cet ordre. Même si le corpus étudié est relativement étroit, cela tend à prouver que les deux vignettes ont dû se succéder.

Notes

  • 1

    Duc de Gueldres, de Juliers, prince de Gavre et du Saint-Empire, comte d’Egmont, seigneur souverain du pays d’Argrel, des ville et terroir de Malines, marquis de Renty et de la Longueville,… grand d’Espagne de la première création (Charles-Quint)

    Revenir à l’article
  • 2

    Son mandat s’achève le 30 septembre 1791.

    Revenir à l’article
  • 3

    Cf Liste générale par ordre alphabétique des émigrés de toute la République.... Paris : s.n, an 2. Pignatelli d’Egmont figure à l’un et l’autre nom. Son émigration a été constatée aux dates suivantes : pour Paris, 5, 11 et 23 octobre 1792 (il porte réclamation auprès du département de Paris) ; pour Contes et Awedoing (Pas-de-Calais), 9 juillet 1792 ; pour Mézerolles (Somme), le 22 septembre 1792 ; pour ses biens dans l’Aisne (Braine, Renty, etc.), 6 juillet 1793.

    Cf Cinquième supplément à la liste générale par ordre alphabétique des émigrés de toute la République... Paris : de l'imprimerie des domaines nationaux, an 6. On mentionne comme dernier domicile connu Braine dans l’Aisne. L’émigration est constatée à la date du 13 floréal de l’an 3 (= 2 mai 1795).

    Revenir à l’article
  • 4

    Sur les pas de la comtesse d’Egmont / Maximilien Buffenoir. Soissons : Société archéologique, 1930

    Souvenirs de la marquise de Créquy 1710-1800. Paris : librairie de Fournier jeune, 1834-1835 (tome 2, chap. 6 et 7, pp. 144-222)

    Revenir à l’article
  • 5

    Information obtenue par déduction car le rédacteur du catalogue ne renseigne jamais l’adresse bibliographique des documents.

    Revenir à l’article
  • 6

    Mémoires du maréchal duc de Richelieu,... pour servir à l'histoire des cours de Louis XIV, de la Régence du duc d'Orléans, de Louis XV, et à celle des 14 premières années du règne de Louis XVI,... ouvrage composé dans la bibliothèque, et sous les yeux du maréchal... d'après les portefeuilles, correspondances et mémoires... de plusieurs seigneurs, ministres et militaires, ses contemporains... / [Jean-Louis Giraud Soulavie].  Paris : chez Buisson, 1790. In-8 ; 4 vol. (cf préface, page VI)

    Revenir à l’article
  • 7

    Vie privée du maréchal de Richelieu, contenant ses amours et intrigues et tout ce qui a rapport aux divers rôles qu'a joués cet homme célèbre pendant plus de quatre-vingt ans… / Louis-François Faur. Paris : chez Buisson, 1792. In-12 ; 3 vol. (cf vol. 2, page 387)

    Revenir à l’article
  • 8

    En 1767, il est nommé dans l’ordre espagnol des chevaliers de la Toison d’or par Charles III.

    Revenir à l’article
  • 9

    De exfoliatione ossium praecavenda, vel acceleranda theses anatomicae et chirurgicae (praes. Tussano Bordenave ; cand. Alberto Francisco Floridoro Streck). Parisiis : P. A. Le Prieur, 1770

    Revenir à l’article