Quelques pièces au Louvre pour établissement

Plan de l’attique du Louvre en 1740 (AN, Maison du roi, O/1, 1666, no 11). MAE, Archives des Archives diplomatiques, 404INVA/13

Jean-Baptiste Colbert (1665-1746), marquis de Torcy, est nommé secrétaire d’État aux Affaires étrangères le 28 juillet 1696. Il se préoccupe de structurer et moderniser son département ministériel. Comme son père, Charles Colbert de Croissy (1625-1696), il fait rassembler et classer les archives diplomatiques pour conserver la mémoire de l’action politique de la France sur la longue durée.


Au Conseil du 22 décembre 1709, Louis XIV accorde à Torcy un local au Louvre pour « y faire dépôt de tous les papiers importants de la secrétairerie des affaires étrangères » [1]. Après quelques travaux exécutés dans les mois qui suivent, Torcy y fait ranger les papiers des négociations antérieures à la date du traité de Ryswick (1697) et laisse à Versailles les papiers de la dernière décennie, nécessaires au travail des bureaux. Jean Yves, seigneur de Saint-Prest, est désigné pour être le premier garde du « Dépôt des Minutes des Affaires étrangères ».

  • Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy (portrait gravé)

    Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy

    Secrétaire d’État aux Affaires étrangères (1696-1715)

    par Rigaud (peintre) et Dossier (graveur) en 1711

    MAE, Collections iconographiques, série B (Estampes, A007776)

Un rapport remis à Amelot de Chaillou le 30 avril 1737 par Nicolas-Louis Le Dran (second garde du Dépôt) nous apprend que « le Roy Louis 14 destina pour ce depost le dongion du vieux Louvre au dessus de la chapelle située sur la grande porte en entrant vis-à-vis la rûe Froimenteau ; on y fit un grand salon avec des armoires autour, et les volumes et papiers y furent portés et deposés en l’année 1710 » [2]. Le Dépôt se situe donc au troisième étage du Vieux-Louvre, étage orné sur la façade d’un attique. Il faut gravir un étroit escalier de 171 marches pour y accéder [3]. Les plans d’époque nous indiquent que cet espace, mesurant à peu près quinze mètres sur dix, était précédemment identifié comme étant « le magasin des vitriers avec un logement vuide ».


Le marquis d’Antin, directeur général des Bâtiments du roi, le fait aménager sans luxe et y fait poser des cloisons pour former différentes pièces. Aux cinq pièces d’origine, deux supplémentaires viennent agrandir le Dépôt en 1730. Trois disposent d’une cheminée. Le premier commis et deux commis subalternes se tiennent dans le bureau des Minutes des Affaires étrangères, ouvrant sur l’escalier. On accède ensuite au Grand Cabinet, la plus spacieuse des pièces éclairée par trois fenêtres ayant vue sur les Tuileries. On y trouve non seulement les armoires contenant les traités et ratifications mais également, à partir du 24 avril 1715, deux petits globes géographiques de Coronelli provenant de la collection de Roger de Gaignières (1642-1715). Les autres pièces sont bordées de rayonnages de tablettes et d’armoires pour ranger les volumes d’archives et imprimés [4].

Pendant plus d’un demi-siècle, les archives des négociations demeurent au Vieux-Louvre dans des conditions matérielles devenues rapidement précaires. Dans son rapport du 30 avril 1737, Le Dran alerte son ministre sur le fait qu’ « actuellement ces trois cabinets de mesme que le grand salon sont tout remplis ; il y a mesme plus de six cens volumes à terre faute de places sur les tablettes, et il faudra pareillement mettre par terre la plus part des papiers qui d’année en année seront dans la suite retirés de Versailles, ce qui forme année commune environ soixante volumes nouveaux » [5]. Malgré ses suppliques réitérées, il n’est pas donné satisfaction à Le Dran.


Après plusieurs projets et tentatives d’aménagement laissés sans suite, il faut attendre le premier séjour du duc de Choiseul-Stainville au secrétariat d’État aux Affaires étrangères (1758-1761) pour que le roi attribue à ces précieux documents qui ont été épargnés par l’incendie du 24 mars 1740 un lieu plus approprié pour leur conservation.

Notes